vendredi 12 mai 2017

Charleroi : des bras contre du charbon

70 ans d'immigration italienne




Signés le 23 juin 1946 entre la Belgique et l'Italie, les "accords charbon" ont marqués la vie de nombreuses familles. Pour combler une main d'œuvre qui fait défaut dans les charbonnages de Belgique après la seconde guerre mondiale, des dizaines de milliers de mineurs vont quitter l'Italie en quête d'un avenir meilleur chez nous. C'est le point de départ de l'immigration italienne de Belgique.




L’histoire de l’immigration en Belgique est aussi vieille que celle du pays. Toutefois, sa forme va changer au fil des époques. Alors que jusqu’à la fin du 19ème siècle, la migration internationale en Belgique se fait sur une distance relativement courte, les migrants venant principalement des pays limitrophes, elle se caractérise aujourd’hui par une très grande diversification des nationalités et des migrants originaires de pays de plus en plus lointains. Entre ces deux périodes, on a la seconde guerre mondiale et tous les bouleversements qu’elle va engendrer, mais aussi une constante: l’importance de "la loi de l’offre et de la demande de main d’œuvre".




La Conferenza che ha riunito a Roma i delegati del Governo italiano e del Governo belga per trattare del trasferimento di 50.000 lavoratori nelle miniere belghe, è giunta alle seguenti conclusioni:

1) Il Governo italiano, nella convinzione che il buon esito dell’operazione possa stabilire rapporti sempre più cordiali con il Governo belga e dare la dimostrazione al mondo della volontà dell’Italia di contribuire alla ripresa economica dell’Europa, farà tutto il possibile per la riuscita del piano in progetto. Esso provvederà a che si effettui sollecitamente e nelle migliori condizioni l’avviamento dei lavoratori fino alla località da stabilirsi di comune accordo, in prossimità della frontiera italo-svizzera

2) Il Governo belga […] affretterà, per quanto possibile, l’invio in Italia delle quantità di carbone previste dall’accordo.

3) Il Governo belga curerà che le aziende carbonifere garantiscano ai lavoratori italiani convenienti alloggi […]; un vitto rispondente, per quanto possibile, alle loro abitudini alimentari nel quadro del razionamento belga; condizioni di lavoro, provvidenze sociali e salari sulle medesime basi di quelle stabilite per i minatori belgi.




Du charbon pour la reconstruction
En 1946, la Belgique cherche à relancer son économie, ravagée par la guerre. Le charbon est à l'époque la seule source d'énergie immédiatement disponible pour soutenir les efforts de reconstruction. Mais les Belges ne veulent plus descendre dans les mines. Ils sont d'abord remplacés par des prisonniers de guerre allemands, qui doivent bientôt être relâchés... 
En 1947, 223 ouvriers italiens sont logés en bordure du Canal du Centre et de l’usine sur le site de la Cantine des Italiens. Le bâtiment subsiste et accueille désormais le Centre d'interprétation de l'immigration en Région du Centre.

La Belgique décide alors de se tourner vers les travailleurs étrangers. Elle ne peut plus les recruter en Europe de l'Est, passée sous le giron communiste. Elle ira les chercher en Italie, alors plongée dans la misère et une grave crise politique. La jeunesse, qui représente une main d'œuvre abondante, se tourne volontiers vers l'étranger. Et l'Italie compte bien en tirer partie pour se reconstruire, en s'assurant des importations préférentielles de charbon.




200 kg de charbon par mineur par jour
Le protocole d'accord italo-belge est scellé le 23 juin 1946. Il prévoit l'envoi initial de 50.000 travailleurs italiens dans nos mines. En échange, l'Italie a droit à 200 kg de charbon par mineur et par jour, qu'elle paiera au prix plein. Les termes du contrat sont stricts : il faut notamment être âgé de 35 ans maximum, avoir passé des tests médicaux, s'engager dans la mine pour cinq ans au moins. La Belgique promet aux mineurs des avantages sociaux et un logement "convenable", qui prendra pour beaucoup la forme de baraquements.

La désillusion est grande pour ceux qui ont débarqué en Belgique en train, avec pour seul bagage une valise en bois et des espoirs d'Eldorado. Pour Paolo Grossi, directeur de l'Institut Italien de Culture, c'est l'esprit de sacrifice pour la famille qui a rendu cette immigration possible : "Ils savaient qu'ils partaient pour leur famille. Ils avaient derrière eux des familles, parfois nombreuses, qui sont venues les rejoindre après. Et c'est ça qui leur a donné la force d'endurer des conditions très, très dures".


Entre 1946 et 1948, 75 000 hommes, répartis en 85 convois arrivent en Belgique et sont dirigés vers les 5 bassins charbonniers belges. Officiellement, le recrutement doit se faire via les offices italiens de placement, mais dans la pratique, les mines belges organisent également leur recrutement sur place en privilégiant les candidats "politiquement inoffensifs" et originaires du Nord. Les envoyés des charbonnages utilisent les réseaux paroissiaux et des recommandations vaticanes pour obtenir une main d’œuvre "sûre. Les Italiens qui veulent être engagés en Belgique ne peuvent être âgés de plus de 35 ans et doivent passer une visite médicale ainsi qu’un contrôle de la sûreté de l’État.





Leur contrat porte sur une période de 12 mois. En échange, on leur promet un logement convenable, une nourriture conforme autant que possible à leurs habitudes alimentaires, des avantages sociaux et des salaires établis sur les mêmes bases que ceux accordés aux travailleurs belges et le paiement des allocations familiales pour les enfants qui résident en dehors de l’Italie. 




La Belgique devient ainsi le pays de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) qui, en chiffre absolu, occupe le plus de travailleurs étrangers. Très rapidement, les mineurs italiens vont être confrontés à une grande désillusion. Lors de leur voyage en train, ils sont accompagnés de gendarmes, d’hommes de la sûreté de l’État, d’un médecin et de deux ingénieurs des mines. Ceux d’entre eux qui ne supporteront pas les conditions de travail très difficiles au fond de la mine (les mineurs italiens sont pour la plupart d’anciens paysans et les mines belges ont des installations vétustes) seront considérés comme étant en rupture de contrat et seront arrêtés avant d’être regroupés à la caserne du Petit Château de Bruxelles en attendant leur renvoi en Italie.


Quant aux conditions de logement, elles seront loin d’être celles attendues. En effet, la Belgique étant confrontée dans l’immédiat après-guerre à une crise du logement sans précédent, les possibilités d’absorption des 50.000 mineurs italiens et de leurs familles dans des habitats "normaux" seront nulles. Ils se retrouveront donc logés dans d’anciens camps construits par les Allemands pour les prisonniers russes travaillant dans les mines. Ces camps étaient composés de baraquements en assez mauvais état pourvu d’un mobilier plus que rudimentaire. Présentées comme provisoires, ces conditions de logement vont en fait se maintenir longtemps. Ainsi, en 1956, 3.389 familles occupaient encore 1.939 baraquements qui étaient de véritables taudis.



Ces mineurs sont parfois suivis de leur famille. Ainsi, l’immigration de travail en Belgique n’est pas uniquement une immigration d’hommes seuls. De véritables communautés se reconstituent. L’arrivée des enfants pose rapidement la question de leur scolarité. Dès le début des années 50’, les professeurs se retrouvent confrontés à une difficulté à laquelle ils n’étaient pas préparés: l’apprentissage du français ou du néerlandais à des enfants étrangers. Si le travail a été le lieu d’intégration pour les pères et pour les mères, l’école a assuré ce rôle pour les jeunes immigrés. 



Toutefois, tout comme pour les enfants des ouvriers belges des années 60’, l’école a été à la fois le lieu de promotion sociale mais aussi, pour certains, de relégation. En effet, l’accumulation des retards scolaires et la réorientation systématique vers l’enseignement professionnel de nombreux jeunes immigrés n’ont pas toujours permis à l’école d’être vécue comme un espace d’émancipation. Ces problèmes concernant la scolarité des enfants d’immigrés se sont déjà posés dans l’entre-deux guerres.



La concentration spatiale des Italiens, aux alentours des communes minières est souvent à la base de la constitution de préjugés, et parfois de racisme. Mais, au fur et à mesure, les nouveaux arrivés trouvent une place au sein de la classe ouvrière qui agit comme une structure intégratrice. Avant de s’intégrer dans la société belge, les travailleurs immigrés se sont intégrés dans une classe sociale.



Au fond de la mine, les mineurs italiens se retrouvent côte à côte avec des personnes déplacées originaires de pays de l’Est (Ukraine, Hongrie, Allemagne de l’est). En effet, entre 1947 et 1949, 23.000 réfugiés d’Europe de l’Est furent engagés dans les mines belges. Ils font partie du dernier million de réfugiés originaires d’Europe de l’Est qui pour des raisons multiples et complexes ont refusé définitivement le rapatriement vers leurs pays d’origine nouvellement convertis en "démocraties populaires" et ont été "réinstallés" dans des pays tiers dont un des motifs d’accueil des réfugiés est, comme le rappelle le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, "de faire bénéficier les économies d’une main d’œuvre abondante".


De même, de 1956 à 1957, 1.900 réfugiés, Hongrois pour la plupart, seront recrutés dans les camps d’Autriche, de Yougoslavie et d’Allemagne pour aller travailler dans les charbonnages.

Mais il est clair aussi que l’accueil des réfugiés (qui se fait plutôt par quotas à l’époque), dans le contexte de guerre froide, est également un geste politique qui exprime une sanction à l’égard des pays du bloc de l’Est communiste. Un quota de 7.000 réfugiés hongrois sera accueilli en Belgique suite aux événements survenus en Hongrie en 1956.


Le travail dans les mines occasionne de nombreux accidents de travail et à diverses reprises l’Italie suspend l’envoi de nouveaux travailleurs. Mais, c’est après la catastrophe de Marcinelle (8/8/1956) -qui cause la mort de 262 mineurs dont 136 Italiens- que l’Italie suspend l’émigration vers la Belgique.


Elle se tourne alors vers d’autres zones de recrutement et conclut de nouvelles conventions bilatérales, notamment avec l’Espagne (1956) et la Grèce (1957) portant sur 3.400 travailleurs espagnols et 7.800 travailleurs grecs. Puis, ce sera le tour du Maroc et de la Turquie (1964).










Recherches nouvelles sur l’immigration italienne en Belgique



Témoignage et publication avec l'aimable 
autorisation de Madame Franca Brutti 
veuve Osti

Madame Franca Brutti veuve Osti
A l'âge de 17 ans, elle est arrivée en Belgique

J'ai eu l'occasion et le plaisir de rencontrer cette dame qui m'a raconté mille et une anecdotes concernant l'immigration vécue au début des années '50.



Elle m'a parlé longuement de sa propre expérience, du choque culturel, du racisme à son égard, de son emploi comme servante, de l'argent envoyé à ses parents, de la rencontre avec son futur époux, des nombreux sacrifices pour émerger de la misère sociale.


Permis de travail en qualité de servante intérieure
pour le Comte René de Looz 
Corswarem

Pour une prestation de 12 Hr/jour et de 7 jours/7 jours
avec 1 jour de congé toutes les trois semaines, elle percevait
 1200 FB de salaire dont 1000 FB étaient versés à ses parents !


Le père de Madame Brutti, lui-même travailleur immigré d'abord en Abyssinie (Ethiopie)
puis en Argentine (photo). 


Le frère de Madame Brutti, Carabinieri est resté en Italie


La sœur de Madame Brutti est restée en Italie
et travailla chez Barilla





Son futur époux travaille comme ouvrier qualifié de fond pour la société de charbonnage.


Domenico Osti sortant du fond (à droite)


Domenico Osti (au centre) avec ses amis de la mine et du baraquement




Après les cinq années obligatoires de mineur de fond, Domenico Osti trouve du travail
comme manœuvre lourd pour le compte des Hauts Fourneaux, Forges et Aciéries.


Domenico Osti prêt pour le mariage



Le 5 novembre 1955, sans argent mais aucune dette, le mariage est célébré
en toute intimité à l'Hôtel de Ville de Charleroi.



Permis de travail temporaire
permis de travail sans limitation de durée

OUI, les Italiens et Italiennes sont venus en Belgique pour travailler !




Petit album photo