jeudi 13 août 2015

Jean Dupuis et son iprimerie à Marcinelle


On pourrait d'abord dire que tout est parti d'une petite machine à imprimer: une Kobold à pédale. Mais, en vérité, c'est un homme qui est à la base des Editions Dupuis. Jean Dupuis n'avait que vingt-trois ans quand il s'installa maître imprimeur à Marcinelle, dans la maison familiale rue Destrée (sur la route de Philippeville). Nous sommes en 1898. La Belgique s'apprête à changer de siècle. Sous l'impulsion du roi Léopold II, elle n'a jamais offert autant de possibilités de réussite aux jeunes gens audacieux, honnêtes et travailleurs. Orphelin de mère à l'âge de deux ans, Jean Dupuis est élevé par les frère et sœurs de sa maman. Très jeune, il ira travailler dans diverses entreprises, où il apprendra les métiers d'imprimeur et de typographe. Les temps sont à l'audace. Jean Dupuis, employé aux établissements Wynstraeten, découvre, au hasard de ses lectures, la petite annonce suivante: "Un imprimeur de Glons offre un petit matériel d'imprimerie pour 300 francs". Sans prendre le temps d'hésiter, Jean Dupuis l'achète et se la fait livrer à Marcinelle. 1898.Retenez cette date. Une machine est montée dans une maison familiale. Un homme la transformera en Editions Dupuis.

Imprimante KOBOLD à pédale

Jean Dupuis tient un journal; on y trouve les joies et les peines, les déceptions et les espoirs, au jour le jour. Tout commence modestement: "Je vais voir des commerçants et des industriels du voisinage, mais je suis affligé d'un très grave défaut pour quelqu'un qui veut décrocher des commandes: je suis timide, et ...les affaires ne vont pas très bien". Les commandes, elles viendront pourtant. Au compte-gouttes. Et en passant par les conditions léonines des premiers clients... Bientôt, une machine neuve fait son apparition...dans la salle à manger de la route de Philippeville! Une "Julien" à 2.500 francs, à payer par mensualités de 50 francs. 1904.Parce que "les affaires vont très bien", comme l'écrit Jean Dupuis, "mes locaux se révèlent absolument trop petits et j'achète un assez grand terrain à la rue Destrée et j'y fais construire un atelier, ainsi qu'une habitation". Dès 1911, la rue Destrée devient l'adresse officielle de l'imprimerie Dupuis. A plus d'un titre, 1914 est une année tragique pour Dupuis. En janvier, un incendie ravage l'atelier, détruisant vingt années de labeur. Mais Jean Dupuis ne se laisse pas longtemps abattre: "L'incendie avait été pour moi une rude épreuve. J'avais une dette importante; par contre (après la reconstruction), je me trouvais équipé d'une façon moderne". L'autre malheur arrivera en août: la guerre.

Jean Dupuis dans sa salle à manger du 41 rue Destrée à Marcinelle

L'imprimerie Dupuis paiera son écot aux souffrances dues à la guerre. Mais, dès 1918, une nouvelle activité se pointe à la rue Destrée: le chanoine Parot confie l'impression de "L'ami du foyer" à Jean Dupuis. Ce bulletin paroissial constitue la première apparition d'une publication chez Dupuis. Il y en aura une autre: " Le roman" , fascicule hebdomadaire destiné à offrir une lecture saine aux familles trop souvent sollicitées par une presse racoleuse et vulgaire. L'affaire capote, faute d'amateurs. Mais peut-être ce journal était-il mal adapté au marché ? Jean Dupuis a son idée ...Elle aboutit en 1922: "Je décide de réaliser enfin mon grand projet. La revue sera présentée sur une feuille de format Colombier, pliée en huit. Je lui donnerai pour titre: "Les Bonnes Soirées". Le succès est immédiat grâce à une "campagne de promotion" avant la lettre ... qui en remontrerait à beaucoup d'éditeurs actuels! Car désormais Dupuis est le nom d'une maison d'édition. 1925. Création d'une revue humoristique: "Le Moustique". L'adjonction de programme de radio, peu après, va assurer la popularité de l'hebdomadaire. Rançon de la réussite: en 1936, René Matthews prend la responsabilité des premières publications flamandes, "De Haardviend" et "Humoradio".




Journal Le Moustique du 8 février 1925


 



Que celui qui n'a jamais lu un numéro de Spirou ou de Robbedoes dans sa vie nous lance la première rotative! Depuis 1938, Spirou entraîne sa troupe de personnages dans le monde entier. Ils ont largement contribué à faire de la bande dessinée un neuvième art.
Aujourd'hui, grâce à l'impulsion donnée par Charles Dupuis, responsable éditorial des Editions Dupuis, Spirou et Robbedoes restent à la pointe de ce qui se fait de mieux en bandes dessinées.
Les adjectifs ne servent à rien pour définir l'aventure du journal de Spirou.
Qu'il suffise de vous dire que Sirou et Robbedoes, c'est Buck Danny, Lucky Luke, Gaston, Boule et Bill, Gil Jourdan, Sophie, Les petits hommes, Tif et Tondu, les tuniques Bleues, Sammy, Le Scrameustache, Johan et Pirlouit, Yoko Tsuno, Germain et nous, Jean Valhardy, L'Oncle Paul, Benoît Brisefer, Docteur Poche, Natacha, Bobo, Jess Long, Jeannnette Pointu, Bidouille et Violette, Isabelle, Marc Dacier, 421, La patrouille des Castors, Pauvre Lampil, L'Homme aux Phylactères, Sybylline, Vieux Nick, Ginger, Timour, Mic Mac Adam, Jerome K.Jérôme Bloche, Papyrus, poussy, Gully, Aurore et Ulyssse, Les baroudeurs sans frontières, Lloyd, Nic, Pierre Tombal, Godaill et Godasse, Les Krostons, Jerry Spring, La ribambelle, Le Vieux Bleu, Starter, Blondin et Cirage, L'Epervier bleu, Chaminou, Les Schtroumpfs, etc ...


Nr 1 du journal de Spirou du 21 avril 1938

On ne pourrait rêver plus wallon que "Spirou" ! Reportons-nous aux carnets de Jean Dupuis : "Le nom typiquement wallon de notre nouvel hebdomadaire reflète bien l'esprit du journal. C'est un enfant espiègle, primesautier, en bonne santé, farceur à l'occasion, mais qui a bon cœur : c'est un modèle, le Champion de la Belle Humeur !".
Toutes qualités qui ont séduits le monde entier, grâce aux albums .
Les éditions Dupuis et leurs sociétés sœurs en France et en Hollande vendent aujourd'hui 13 000 000 d'albums. Sans compter les traductions en italien, espagnol, allemand, anglais, suédois, finlandais, norvégien, japonais, thaïlandais, portugais, catalan, breton, etc.


 Véritable retour aux sources: certains de nos albums ont connu une traduction en wallon liégeois!
Les années '80 méritent , à juste titre, le label d'Age d'Or des Albums.
Rappelons que cette extraordinaire expansion trouve son origine dans la volonté de l'éditeur d'apporter une lecture distrayante aux enfants et aux nombreux artistes qui l'ont secondé de leur talent. L'Ecole de Charleroi, créée par Joseph Gillain (Jijé), essaime dans tous les pays.

Joseph Gillain (Jijé).

Mais n'oublions pas que, sans imprimerie et sans personnel, tout cela n'aurait jamais été possible.
TREIZE MILLIONS d'albums par an. Soixante millions de publications en une année, soit plus d'un million de TELEMOUSTIQUE, HUMO, BONNE SOIREE, SPIROU et ROBBEDOES par semaine: c'est la performance réalisée par le personnel des Editions Dupuis aux commandes des machines les plus modernes. Aussi bien les imposantes rotatives que la modeste machine à écrire du rédacteur!
Nous avions laissé l'histoire des Editions Dupuis à la création de Spirou (1938).
Pour mener de front toutes leurs activités, les Editions Dupuis devaient sans cesse s'équiper de nouvelles machines.
La première commande importante de Jean Dupuis fut une circulaire pour un marchand de semences, tirée à 100 000 exemplaires.

A l'époque, une presse arrivait difficilement à bout d'un tel travail.
Les rotatives ont remplacé les presses. Les procédés d'impression hélio et offset ont pris la place de la typo, procédé en relief qui survécut surtout pour l'impression de quotidiens, passés depuis à des techniques plus modernes.
La linotype ? Cet emblème des imprimeries d'autrefois a aussi disparu. On ne parle plus que de photocomposition.
Et déjà, dans cette technique, les générations se succèdent !

Déjà en 1928, à la demande de son père, Paul Dupuis installait un nouveau département aux Editions Dupuis: la photogravure du Hainaut.
La nécessité de publier de plus en plus de documents photographiques, donc de clichés, rendait cette création inéluctable. Les brocheuses, les rogneuses, les couseuses trouvèrent leurs place dans les ateliers Dupuis en perpétuelle expansion: Marcel Dupuis y contribua.
Aujourd'hui, notre département photo fait appel aux techniques dignes de la science-fiction! La sélection des photos fait appel à l'électronique, composante des scanners. Cette année, Dupuis inaugure la mise en page électronique - ce qui placera notre imprimerie en tête de son secteur en Belgique.
La gravure des cylindres est appelée à se moderniser d'ici peu.
La troisième génération de photocomposition est en place. Brochage et matériel d'impression, par leur développement, permettront l'éclosion de nouveaux titres, tant dans le domaine des albums que des magazines.
On comprendra dès lors que, pour maintenir le niveau d'indispensables investissements, il soit fait appel à des groupes financiers très puissants.

Dupuis, une famille, un esprit

Très tôt, les Editions Dupuis ont débordé du domaine de l'édition pure.
Les personnages de bande dessinée représentaient un potentiel inégalable d'animations diverses.
Il y eut les jeux de plage qu'on voyait fleurir pendant les grandes vacances.
Des débutants les animaient. Et pas n'importe lesquels: Jean-Claude, Jean Nohain, Jean Richard, Guy Lux, pour ne citer que ceux dont la carrière a fait des étincelles par la suite.
Ces jeux passèrent la frontière belge: qui ne se souvient du fameux Cirque Spirou et du théâtre du Farfadet dont les marionnettes "vivaient" les aventures du journal de Spirou ?
Parallèlement, des essais de dessin animé étaient lancés. Un studio vit le jour à Anvers. Il s'appelait T.V.A. - TVA, pour Tévé Animation !
Par la suite, d'autres se servirent de cette appellation, malheureusement non contrôlée, à d'autres fins moins agréables ....




Le petit chat Musti, le petit Noël, Tip et Tap, Boul et Bill et les premiers schtroumpfs firent leur bientôt leur apparition au cinéma et, surtout, à la télévision.
La demande internationale était telle que les premiers studios d'animation ne purent plus suivre. Il fallait penser à la coproduction, à l'appel de nouveaux partenaires.
Une société soeur des Editions Dupuis, la S.E.P.P., reprit le flambeau et donna une impulsion décisive à l'audiovisuel en Belgique.

Consacrée d'abord à la vente des droits dérivés de la bande dessinée, la S.E.P.P. permit à nos personnages de débarquer aux Etats-Unis.
Et de quelle manière! Les schtroumpfs, ça vous dit quelque chose.
Droits dérivés? Il s'agît de toutes les applications commerciales des personnages: figurines, reproductions sur T-schirts, affiches, jouets, etc.
Après les schtroumpfs, la S.E.P.P. s'est occupé des dessins animés du Marsupilami, Yoko Tsuno, Shoe et bien d'autres.



Qui n'a pas entendu parler, ces derniers mois, de " l'Affaire Dupuis " et de ses multiples rebondissements ? Mais qui peut prétendre n'avoir pas perdu son latin dans les méandres de ce vaudeville ? Le reportage de Danny De Laet restitue une vision d'ensemble de l'affaire : un résumé rapide mais précis du passé permet de mieux comprendre ce qui a abouti à ce "Dallas sur Marcinelle". À la suite d'une enquête approfondie, accumulant des dizaines de témoignages, de références et d'anecdotes croustillantes, exposant le fruit d'une vaste expérience...



Les Éditions Dupuis ont racheté le 15 mars 2013 la société Marsu Productions. Ce rachat marque donc le retour à la maison de personnages mythiques de l’histoire des Éditions Dupuis comme « Le Marsupilami » et « Gaston », et l’intégration globale de l’œuvre d’un des plus grands génies de la bande dessinée, Franquin. En cette année des septante-cinq ans de Spirou et de son journal, nous sommes particulièrement heureux et fiers de voir le Marsupilami rentrer au nid et Gaston retourner à la rédaction.
 

 
 
 

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