vendredi 31 mars 2017

Prison de Charleroi

Au temps où Charleroi avait une prison

D'après les archives de l'état de Belgique





Histoire institutionnelle

Au début du XIXe siècle, la Prison de Charleroi est établie dans une ancienne caserne(1 Archives de l'État à Mons, Préfecture du Département de Jemappes, 1954, Rapport sur l'état des prisons du département établi par le préfet Garnier, 15 thermidor an XII (3 août 1804).). L'établissement compte 22 détenus en 1831. Ce nombre progresse ensuite lentement et s'élève entre 40 et 50 détenus au début des années 1850(2 DUCPÉTIAUX, É., Statistique des prisons de la Belgique. Extrait du Rapport décennal sur la situation administrative du Royaume (1841-1850), Bruxelles, 1852, p. 6.). En 1850, la capacité totale de la prison est de 66 places(3 Ibidem, p. 8.).
C'est à cette époque que la décision est prise de construire un nouvel établissement, basé sur le système cellulaire qui se répand à ce moment partout en Belgique. L'emplacement choisi est un terrain de 67 ares situé à la porte de Marchienne, dans l'angle ouest de la Sambre et du canal de dérivation, le long du quai de Flandre récemment aménagé. Il s'agit d'une zone destinée à l'agrandissement de la Ville Basse, à front des bastions de la forteresse. Le bâtiment est érigé entre 1851 et 1853 dans un style néo-roman, sur la base de plans dressés par l'architecte J. Dumont. Il est occupé à partir du 1er janvier 1854. Il compte 110 cellules. La population passe de 42 détenus au 1er janvier 1854 à 96 détenus au 1er janvier 1855(4 Conseil provincial du Hainaut. Session de 1855. Rapport de la Députation permanente, p. 184.)



Dès le début du XXe siècle, le ministère de la Justice envisage la construction d'une nouvelle prison dans l'arrondissement judiciaire de Charleroi. Un emplacement est choisi à Montignies-sur-Sambre, mais la Première Guerre mondiale ne permet pas de concrétiser le projet. Après la Seconde Guerre mondiale, la question revient à l'ordre du jour : le bâtiment du XIXe siècle a souffert lors du conflit et sa présence gène l'urbanisation du quartier sud de la ville. Le choix se fixe finalement sur un terrain boisé de trois hectares, aux confins des communes de Jamioulx, Nalinnes et Marcinelle, dans un endroit à la fois calme et proche du centre de Charleroi. Les plans sont dressés en 1956 et la maquette est présentée lors de l'exposition universelle de Bruxelles en 1958. Toutefois, les travaux commencent seulement dix ans plus tard, en 1968, et s'achèvent en 1975. L'inauguration officielle a lieu le 13 octobre 1975 et les détenus sont transférés le 18 octobre(5 HENS, R., et LEBLOND, D., L'établissement pénitentiaire de Jamioulx, dans Bulletin de l'administration pénitentiaire, septembre-octobre 1976, p. 293.)
Au moment de sa mise en service, la Prison de Jamioulx apparaît comme un établissement modèle, dont la conception tranche radicalement avec celle des prisons cellulaires traditionnelles(6 Ibidem, p. 295-297.). Il s'agit d'un bâtiment sobre, réalisé avec des matériaux modernes, dans un environnement de verdure. Le mur d'enceinte est supprimé et remplacé par un grillage de sécurité. Le plan est constitué d'un quadrilatère de 120 mètres de côté. Les fenêtres des cellules donnent sur une cour formant un vaste espace vert. À l'intérieur du bâtiment, les parois sont en briques de verres, de façon à assurer un maximum de luminosité. L'établissement comptait en 1976 172 cellules individuelles, cinq chambres pour quatre détenus et quatre chambre pour trois détenus. Actuellement la capacité théorique d'accueil est de 267 places(7 Direction générale des établissements pénitentiaires. SPF Justice. Rapport d'activité 2007, s.l., s.d. [Bruxelles, 2008], p. 81.), qui se répartissent en 151 cellules individuelles, 13 cellules pour quatre, 6 cellules de 8 personnes et 16 places en annexe psychiatrique. Les fenêtres n'ont pas de barreaux, mais sont équipées d'un châssis métallique de sécurité. 




Durant la Seconde Guerre mondiale, l'occupant allemand réquisitionne une partie de la Prison de Charleroi pour y incarcérer des détenus politiques, des Juifs, ainsi que des militaires engagés au service de l'Allemagne et ayant commis des délits(8 MAERTEN, F., Du murmure au grondement. La Résistance politique et idéologique dans la province de Hainaut, Mons, tome 1, 1999, p. 263-264.). La surveillance en est assurée par des militaires de la Wehrmachtcommandés par un officier. Les personnes condamnées par les Allemands à des peines légères sont également en partie incarcérées dans l'aile " belge " de la prison. En outre, l'occupant utilise la Caserne Trésignies pour y enfermer des otages et des résistants. En 1943, les autorités allemandes exigent de pouvoir occuper le quartier des femmes de la prison. Une prison auxiliaire pour femmes est alors créée à Marcinelle (quartier de la Villette), dans les bâtiments d'une école communale désaffectée, pour la détention des femmes à la disposition des autorités belges et pour celles qui étaient écrouées par les Allemands. Cette prison auxiliaire est supprimée le 30 avril 1946. 
De septembre 1944 à juin 1947, les personnes suspectées de faits de collaboration avec l'ennemi durant l'occupation allemande furent incarcérées au Centre d'Internement de Dampremy.





Compétences et activités

C'est sous la période française qu'apparaît une distinction nette entre les prisons destinées à accueillir les personnes non condamnées détenues dans l'attente d'un jugement et les prisons devant accueillir les individus condamnés(9 POULLET, P., Les institutions françaises de 1795 à 1814. Essai sur les origines des institutions belges contemporaines, Paris, 1907 (édition anastatique, Bruxelles, 1994), vol. 1, p. 148-149 et vol. 2, p. 739.). D'après l'article 580 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), les premières recouvrent d'une part les maisons d'arrêt établies au siège de chaque arrondissement judiciaire et destinées aux personnes en détention préventive contre lesquelles un mandat d'arrêt a été lancé, et d'autre part les maisons de justice, établies auprès de chaque tribunal criminel pour les accusés ayant fait l'objet d'une ordonnance de prise de corps et qui attendent un jugement définitif. Les secondes sont les prisons pour peines réservées aux condamnés exécutant leurs peines. Cette distinction est confirmée par le Code d'instruction criminelle du 27 novembre 1808.
L'arrêté ministériel du 20 octobre 1810 sur l'organisation des prisons maintient les maisons d'arrêt et de justice(10 Recueil des arrêtés, règlements et instructions concernant les prisons de Belgique, Bruxelles, 1840, p. 1-3.):
- les maisons d'arrêt au siège de chaque arrondissement judiciaire pour les prévenus de délits de la compétence des tribunaux de police correctionnelle et aux prévenus et accusés de crimes et délits de la compétence des cours d'assises jusqu'à ce qu'ils aient été placés sous les liens d'une ordonnance de prise de corps ;
- les maisons de justice au siège de chaque département pour les inculpés de crimes et délits contre lesquels a été rendue une ordonnance de prise de corps et pour les condamnés par les cours d'assises dans l'attente de leur transfert ;
Le même arrêté ministériel établit aussi plusieurs catégories de prisons pour condamnés :
- les maisons de police municipale au siège de chaque justice de paix pour la réclusion des condamnés par voie de police municipale ;
- les maisons de correction au siège de chaque département pour les condamnés par voie de police correctionnelle et pour les prisonniers détenus pour dettes, les individus à écrouer par voie de police administrative et les enfants à enfermer à la demande de leurs familles, ainsi que les prostituées malades ;
- les maisons de détention ou maisons centrales pour les condamnés par les cours d'assises et les condamnés par voie de police correctionnelle à plus d'un an de détention(11 Des établissements de ce type furent créés à Gand, Vilvorde et Hemiksem, puis à Louvain.).
Durant la période hollandaise, l'arrêté organique sur les prisons du 4 novembre 1821 maintient pour l'essentiel cette classification en la précisant(12 Recueil des arrêtés..., p. 3-10.)


- les établissements pour peines sont divisés en trois classes : maisons de correction ou maisons pour peines (pour les condamnés correctionnels à un emprisonnement de plus de 6 mois), maisons de réclusion et de force (pour les condamnés criminels à la réclusion et aux travaux forcés), maisons de détention militaire (pour les militaires condamnés). 
- les maisons de police municipale (aussi appelées maisons de dépôt, maisons de passage ou maisons de sûreté) sont toujours destinées à la réclusion des condamnés par voie de police municipale. On y ajoute les condamnés dont la peine d'emprisonnement ne dépasse pas un mois, les détenus pour dettes et " celles qui, à la demande de leur famille, devraient être enfermées pour cause de dissipation ou de mauvaise conduite " (article 6)(13 Ces catégories de détenus furent également parfois enfermées dans les maisons d'arrêt, de même que les personnes qui ne pouvaient payer leurs amendes ou frais de justice, les personnes détenues administrativement, les enfants écroués sur la base de la procédure de " correction paternelle " et les détenus politiques (ROTTHIER, I., De gevangenisgids. Archiefgids betreffende de archieven van de Vlaamse penitentiaire inrichtingen, Bruxelles, 2001, p. 35-36 ; VELLE, K., Archives de prisons, s.l., 1999 (Archives générales du Royaume et Archives de l'État dans les Provinces. Jalons de recherche).). D'autres catégories de détenus y furent également enfermées : délinquants placés sous un mandat d'amener ou mis à la disposition du juge d'instruction, étrangers sans moyens d'existence, mendiants et vagabonds, mineurs mis à la disposition du juge de la jeunesse, etc. 



- les autres établissements restent affectés à la réclusion des personnes prévenues ou inculpées de crime ou de délit selon la distinction opérée en 1810 : les maisons d'arrêt dans chaque chef-lieu d'arrondissement siège d'un tribunal de première instance (où pouvaient aussi être enfermés les condamnés à un emprisonnement de moins de 6 mois) et les maisons de justice là où siège une cour d'assises. On y ajoute les maisons prévôtales réservées aux militaires prévenus et inculpés. Dans les chefs-lieux de province, lorsque ces trois établissements sont réunis en un même bâtiment, ce dernier porte le nom de " maison de sûreté civile et militaire ". 
Cette structure a été conservée sans grande modification durant tout le XIXe siècle(14 Toutefois, à la fin du XIXe siècle, les maisons de sûreté changent de dénomination et sont désormais appelées " prisons " (ROTTHIER, I., p. 36).). Toutefois, ces distinctions théoriques n'ont pas toujours été strictement appliquées et, dans les faits, les prévenus et les condamnés ont souvent été incarcérés dans les mêmes établissements, dont la plupart possédaient à la fois une section pour les prévenus et une section pour les condamnés. La distinction a néanmoins été maintenue au plan du traitement administratif des détenus et se retrouve donc au niveau de la production des archives. 
L'organisation interne des prisons a fortement évolué aux XIXe et XXe siècles. Le régime communautaire hérité de l'Ancien Régime a laissé la place à partir du milieu du XIXe siècle au régime cellulaire, avant un retour partiel au régime communautaire au XXe siècle(15 ROTTHIER, I., De gevangenisgids..., p. 38.)


Dans le courant des années 1920, des services anthropologiques apparaissent dans les prisons. Ils ont pour mission d'examiner en profondeur la personnalité des détenus et l'origine de leur délinquance, afin de leur offrir une assistance ou un traitement ou de les orienter vers une institution spécialisée. La loi du 9 avril 1930 " de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude " aboutit à la mise en place d'annexes psychiatriques dans un certain nombre de prisons existantes. Les détenus manifestant des troubles mentaux y sont mis en observation avant d'être éventuellement transférés dans un établissement de défense sociale. 
En tant que chef-lieu d'un tribunal de première instance, Charleroi a été le siège d'une maison d'arrêt dès la période française, au même titre que Mons et Tournai, chefs-lieux des deux autres arrondissements judiciaires du département de Jemappes(16 Annuaire du département de Jemappes pour l'an XIII [1804-1805], p. 161. Les condamnés à une peine de plus de six mois devaient être transférés à la maison de détention de Vilvorde (Ibidem, p. 160).). La maison de justice du département est établie à Mons, siège de la Cour de Justice criminelle, puis de la Cour d'assises(17 Voir à ce propos Honnoré, L., et Nguyen, Van Duc, Inventaire des archives de la Prison de Mons (1791-1987), Bruxelles, 2008 (Archives de l'État à Mons. Inventaires, 92).)
La maison d'arrêt de Charleroi sert également de maison prévôtale pour les militaires et de maison de passage. On y trouve aussi une section de maison pour peines, pour laquelle les registres d'écrou sont conservés à partir de 1848. 
La Prison de Jamioulx mise en service en 1975 a été conçue comme une maison d'arrêt, destinée à accueillir les personnes incarcérées en application de la loi sur la détention préventive et relevant du Tribunal de première Instance de Charleroi, ainsi que des personnes condamnées à une courte peine. Toutefois, en raison de la surpopulation pénitentiaire, un nombre toujours plus important de condamnés y ont été incarcérés, soit en attente de transfèrement, soit transférés d'un autre établissement. Aujourd'hui, la population y est supérieure à 400 détenus(18 Observatoire international des Prisons. Communiqué de presse, 15 juin 2009.)



Organisation

L'arrêté royal du 4 novembre 1821 charge les gouverneurs de province de la surveillance des prisons de leur ressort, sous la direction supérieure du ministère de la Justice. Il prévoit également que chaque prison sera administrée par une commission administrative constituée de membres nommés par le Roi. Le gouverneur de la province, le bourgmestre de la commune et le procureur du Roi du ressort en sont membres de droit.
Au XIXe siècle, la commission administrative dispose de larges compétences en matière d'inspection et de surveillance. Elle se prononce sur les demandes de grâce, de réduction de peines et de libération conditionnelle introduites par les détenus, ainsi que sur le recrutement et les salaires du personnel ; elle est consultée sur les travaux à exécuter au bâtiment et s'occupe de la gestion matérielle et financière de la prison (administration des budgets, des achats et ventes de marchandises, surveillance des ateliers et magasins, des tarifs de la cantine) ; elle exerce une surveillance sur le travail pénitentiaire et prononce des sanctions à l'égard des détenus.
Les commissions administratives perdent progressivement leur influence au cours du XXe siècle au profit des directeurs de prison. Elles ont été remplacées en 2003 par des commissions de surveillance.
La Prison de Jamioulx est aujourd'hui un établissement pénitentiaire de première classe. Le personnel est composé d'environ 270 personnes : 230 agents pénitentiaires et 40 agents administratifs.
La prison contient une annexe psychiatrique d'une capacité de 16 places dans laquelle sont internés, en application de la loi de défense sociale du 1er juillet 1964, les inculpés qui ont commis un crime ou un délit et qui sont en état de démence ou de déséquilibre mental(19 HENS, R., et LEBLOND, D., L'établissement pénitentiaire de Jamioulx..., p. 301.). Une commission indépendante est attachée à chaque maison d'arrêt pourvue d'une annexe psychiatrique. Elle est composée d'un magistrat, d'un médecin et d'un avocat et détermine les modalités d'exécution de l'internement, telles que la désignation de l'établissement ou les mesures de mises en liberté.



Les bâtiments sont détruits en 1976 pour laisser place à la cité administrative, comprenant notamment le bâtiment du ministère des finances.








D'autres infos sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prison_de_Charleroi#Fermeture

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